22/10/2010
12 - Sur la Côte d'Azur
Après la Tour Eiffel, Georges organisa sa tournée d'été . Son imprésario Bernard Hilda gérait les contrats sur Paris et dans le midi ainsi que des tournées à l'étranger . Georges m'avait emmenée dans les bureaux de Bernard sur les Champs Elysées et je l'avais trouvé fort sympathique . Tous deux se connaissaient de longue date, ce qui rendait leurs relations très amicales. Bernard avait été un grand chef d'orchestre et animateur de la célèbre "Piste aux Etoiles" que je regardais à la télévision quand j'étais petite . Je ne me doutais pas qu'un jour, moi aussi j'allais travailler au Cirque d'Hiver ! Bernard adorait les chocolats . Ouvrant un tiroir de son bureau, il en sortait une boîte de ces gourmandises qu'il ne manquait jamais de nous présenter à chacune de nos visites . Georges s'empressa de signer ses contrats, ayant ainsi l'assurance de revenus confortables pour quelque temps .
Loin d'être milliardaire, Georges avait eu ses heures de gloire bien des années avant mais ce n'est pas moi qui avait profité de ces temps fastes . Cigale qu'il était, il chantait "pour subsister" au moins jusqu'au printemps prochain ! Il vivait pleinement le moment présent, ignorant le mot "retraite", sans se douter qu'elle approchait à petits pas et allait le surprendre avant l'heure ...
Il partit donc dans le sud et, peu de temps après, je le retrouvai sur la Côte d'Azur . Il avait insisté pour que je vienne le rejoindre et j'avais réussi à prendre quelques "Congés spectacle" en me faisant remplacer, ce qui ne fut pas chose facile . Mais comme on le sait, l'amour donne des ailes et j'eus la chance d'obtenir un billet d'avion à prix réduit, par le copain d'une copine des Folies qui travaillait dans une agence de tourisme à Montparnasse .
Sur la Côte d'Azur - Juillet 77
Ayant vécu un certain nombre d'années dans le sud, Georges y avait de multiples connaissances et c'est dans le Var que sa tournée d'été se déroula . Aprés les Casinos de Cassis, Bandol et autres, je l'accompagnais à ses galas en plein air ou dans diverses salles . Le succès était toujours au rendez-vous et le public l'acclamait chaleureusement, ravi de retrouver l'artiste chéri ou de découvrir une ancienne grande vedette . On retrouvait de nombreux amis après son tour de chant et certains artistes comme Pierre Provence, avec qui nous passions des soirées interminables arrosées de Pastis et colorées d'histoires inénarrables dans une ambiance très méditerrannéenne . Nous croisions Henri Salvador à un tournoi de pétanque, une autre fois c'était François Deguelt sur son bateau et un peu plus loin vers Marseille, Frank Fernandel dans sa villa "Mille Roses" .
♫ Le ciel, le soleil et la mer - François Deguelt
J'ai le souvenir d'un seul spectacle où, beaucoup de "jeunes" se trouvant parmi le public, il avait été un peu chahuté . Ce n'était pas dû à son répertoire mais à un petit détail physique, incident qui avait eu lieu quelques jours avant . Georges avait une magnifique chevelure abondante, une grande mèche argentée sur le front dont couleur dut lui déplaire . Il m'avait donc demandé, dans les jours précédents et dans la perspective de ce spectacle, de rajeunir un peu son toupet ainsi que ses pattes blanchissantes . Je n'avais pas l'habitude des cheveux gris et le résultat fut désastreux ! Une crinière noire geai, lui donnant l'air d'une caricature de "crooner", garnissait son front . Crooner qu'il se régalait d'ailleurs à imiter avec subtilité, en temps habituel . Ce fut épouvantable, il se fâcha et malgré tout, j'avais beaucoup de mal à réfreiner quelques rires . La seule solution était de gommer ce qui avait été fait, en éclaircissant . Pas très rassuré, il se laissa faire mais le résultat escompté n'était pas vraiment satisfaisant ... Une touffe orangée ornait maintenant son front cinquantenaire et, déçu, il me dit : "J'ai l'air d'un perroquet !!"
Les brûlants rayons du soleil ajoutèrent quelques nuances, puis le temps estompa les couleurs et bientôt, l'argent reprit le dessus . Ce ne fut plus qu'un mauvais souvenir provoquant les plaisanteries ironiques de ses copains, mais la bonne humeur toujours présente, il restait cette boutade : "A Six Fours, on a fait un four !"
( un petit coucou à Jeannine en passant ! )
A SIX FOURS avec le chanteur Pierre Provence
Georges avait écrit quelques nouvelles chansons, "La couleur du papier", "Embrasse-moi", qu'il avait plaisir à faire connaître au public et qu'il testait . Il me faisait quelques fois participer sur scène à sa dernière chanson, ce qui amusait les spectateurs et certains de nos amis qui nous accompagnaient . Lors d'un spectacle à Aix en Provence, il fallut annuler notre petit duo, car une visite inattendue pour lui vint troubler son insouciance habituelle . Son fils en compagnie de quelques membres de sa famille venaient au spectacle ! Il me raconta qu'ils étaient fâchés depuis quelques années et que c'était l'occasion de réconciliation . Les présentations faites, je me gardai bien de monter sur scène pour faire des arabesques autour du chanteur et restai bien sagement assise avec le patron de la salle . Comme d'habitude, le succès était grand, l'artiste signa des autographes et on dit "au revoir" à sa famille venue le voir . Les musiciens remballèrent leur matériel et la soirée se prolongea amicalement, dans l'ambiance habituelle fleurant bon l'anis, mêlée d'accent chantant de la Provence où les cigales exultent .
Quelques jours après, nous étions au bord de mer à Marseille, où Georges répétait une nouvelle chanson "Papa Le France" avec un garçonnet, le fils de Marcel, un ami qui avait écrit les paroles . ( Le thème était le paquebot "France" qui était à vendre) . Cet enregistrement était en projet depuis un certain temps et les jours suivants, on se rendit chez Frank Fernandel, dans la villa "Mille Roses" où se trouvait un splendide studio d'enregistrement . La maquette fut réussie après deux ou trois essais et le résultat excellent, autant musicalement que vocalement .
Puis on reprit la direction du Var et peu de temps après, mes vacances étant terminées, je retournai dare-dare à Paris direction les Folies Bergère, abandonnant Georges sous les palmiers de la Côte d'Azur ...
à suivre ...
22:50 | Lien permanent | Commentaires (0)
09/10/2010
11 - Cheveux au vent et raie de soleil
Je portais les cheveux mi-longs "chatain doré" qu'il était pratique de rassembler en chignon dans un élastique, pour les enfouir soit sous des perruques ou chapeaux, soit sous des diadèmes de strass ou des huppes de plumes . Un lundi, jour de relâche aux Folies Bergère, Georges fit venir l'un de ses amis coiffeur, Félix, pour réaliser l'idée qui lui trottait dans la tête depuis quelque temps ... Après m'avoir garanti que "cela m'irait très bien", je vis non sans une certaine angoisse, de longues mèches dorées joncher le tapis où je me trouvais assise . Je me levai pour aller voir ma tête dans la glace et fus surprise d'y découvrir ce qui restait de ma chevelure, c'est à dire à peu près deux centimètres de cheveux plus foncés que ceux tombés à terre . Etonnée mais rassurée, je convins que cela m'allait assez bien, il fallait juste que je m'habitue .
Mes amies des Folies se demandaient laquelle de ces dernières m'était montée à la tête ! Mais toutes me rassurèrent en me disant que j'étais très mignonne et certaines firent de même quelque temps après . D'ailleurs Liliane, la vedette, les portait aussi courts .
Georges m'appela "Poussinou" .
des Poussinous ! ( dessins de Georges )
Georges avait une idée derrière ma tête ... Certainement inspiré par la robe d'une célèbre actrice, il dessina un modèle audacieux qu' Anna-Maria, une copine mannequin aux "Folies", styliste très douée et cousant merveilleusement bien, confectionna dans un tissu brillant métallisé et taillé de façon astucieuse .
On envisagea un futur numéro ...
"Clair de lune"
( Photo AUBIN )
La robe prête, il ne me restait qu'à choisir une musique . Un tube de ces années-là, "Love To Love You Baby" par Donna Summer, me plaisait bien . On fit enregistrer une bande musicale ...
♫ Le soleil et la lune ( Ch. Trenet )
à suivre ...
11:37 | Lien permanent | Commentaires (0)
05/10/2010
4 - Entrée des artistes
Autrefois, les Folies Bergère étaient un peu différentes de ce qu'elles sont actuellement . C'était un Théâtre, situé à proximité des "Grands Boulevards", avec le mémorable Grand escalier où l'on s'amusait à redire : "L'ai-je bien descendu" !
Le "Grand Escalier" ( Photo Christian PETIT )
Il y avait aussi la "fosse d'orchestre" d'où montaient les puissantes volutes musicales des instruments, les innombrables décors géants que les machinistes s'activaient à monter et descendre entre chaque tableau ... Le sol s'ouvrait, faisant paraître une cascade et des jets d'eau pour une ambiance féérique, des sellettes montaient et descendaient dans les airs .
Le spectacle consistait en une succession de tableaux, entrecoupée de numéros visuels . L'envers du décor, plutôt vieillot et gris, contrastait avec la salle de spectacle feutrée, aux velours rouges et lumières éblouissantes. Il y régnait une agitation permanente, une succession d'aller et retour, des bousculades aux sorties de scène, lorsque nous remontions dans nos loges en galopant pour nous changer entre chaque tableau, tantôt parées de plumes ou de paillettes et de strass, tantôt de perruques et de robes à cerceaux gigantesques, toujours chaussées de hauts talons argent . Lucette, notre brave habilleuse, nous aidait à boutonner nos robes et serrer nos guêpières en attendant sa retraite . On voletait du haut en bas du grand escalier quand les lumières s'éteignaient après chaque tableau et je ne suis pas la seule à avoir chuté en poussant un grand cri !
Contrairement à ce que semblent penser certaines personnes, les Folies Bergère étaient un endroit très sérieux, où tout était organisé et réglé comme une horloge . C'était une sorte d'usine, une fourmilière avec les ouvrières et la Reine, Madame Martini, un ancien mannequin qui avait épousé le Roi des fourmis . Il n'y avait pas de pointeuse, mais chaque retard était sanctionné et au bout de trois, c'était un avertissement puis une mise à pied et parfois, rupture du contrat . Jacques, le régisseur, faisait appliquer cette discipline stricte car comme un engrenage, le maillon défaillant perturbait tout le reste de la chaîne .
Il y avait même un syndicat dont Bernard Bruce, le chef des danseurs, était responsable et qui défendait avec véhémence les droits du personnel .
Hors répétitions, nous devions arriver avant 19 h 30 dans nos loges, en passant par "l'entrée des artistes" où le régisseur nous contrôlait. Il était impératif d'arriver à l'heure, c'est à dire au moins une demi-heure minimum avant le début du spectacle, afin de s'apprêter . Pendant que certaines s'échauffaient dans les couloirs, la Capitaine des danseuses, blonde et stricte, tricotait dans sa loge .
J'avais de bonnes amies parmi les mannequins, surtout Julie et sa petite chienne Youyoute . En arrivant, je les croisais souvent en compagnie de Viviane et sa ribambelle de petits chiens savants, près de la buvette où les machinistes décompressaient . Le soir après le spectacle on repartait souvent ensemble, nous arrêtant parfois dans un Self de la rue Montmartre ou vers l'Opéra, avant de prendre le métro pour rentrer, elle dans le quinzième, moi dans le septième . D'autres fois, j'allais à Saint Germain des Prés ou à Montparnasse avec un copain sympa venu me chercher, jeune écrivain aux cheveux "ficelle de lin" devenu cinéaste humaniste . Salut Robert !
Nos cachets n'étaient pas très élevés et quelques artistes comme Adam et Eve...lyne je crois, doublaient dans d'autres théâtres ou cabarets . C'était alors la course à la montre .
5 - UNE PIROUETTE ARRIERE DANS LE TEMPS
Je débutais dans ce métier qui me plaisait beaucoup et pour certains, cette vie ressemblait fort à "La Bohème" de Charles Aznavour !
J'avais été engagée en 1975 aux Folies Bergère, dans une précédente revue encore sous la Direction de Paul Derval et Cie. L'audition des mannequins et danseuses se passait sur scène, en présence du directeur artistique Michel Gyarmathy, du chorégraphe Jacques Fabre et de la vedette Liliane Montevecchi . Nicole Moure chantait dans cette revue . Etant dotée des mensurations idéales et d'une grâce naturelle, je fus engagée sur le champ après quelques exhibitions .
Le sympathique directeur administratif, médecin à d'autres heures, un homme mûr et très sérieux qui adorait les artistes, n'avait aucune indulgence sur les règles du travail et appliquait le réglement sans faillir . Il nous arrivait de l'accompagner parfois après le spectacle, vers vingt trois heures, au Théâtre Mogador où il avait des responsabilités . Là, on rencontrait d'autres artistes comme Maria Candido et Frank Villano qui jouaient dans "FIESTA", une Opérette à grand spectacle . A une autre occasion, plus tard, j'allai au Châtelet où se jouait "VOLGA", une nouvelle Opérette de Francis Lopez . Je me souviens d'une façon un peu floue, d'un apéritif chez ce célèbre compositeur, où je fis la connaissance de sa très belle femme "Anja" qui aura malheureusement un destin tragique .
"Arriver en retard" était l'un de mes défauts . Et ce manquement, comme je le disais précédemment, me valut une mise à pied qui s'ensuivit de quelques péripéties ....
à suivre ...
"Pour Etre Heureux..."
Sur la route d'Albert Willemetz
( CD. SORTIES D'ARTISTES Vol. 3 )
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